9 mois ferme, c'est le dernier film d'Albert Dupontel que j'ai vu hier soir, dans le cadre de l'Etrange Festival au forum des images.
Le fait qu'il s'agisse d'un film de Dupontel, c'est déjà (presque) tout dire, tant pis, j'ai des choses à ajouter:
Pour résumer, c'est l'histoire d'une femme Juge, tristounette, coincée dans sa paperasserie et débordée par son métier. Elle vit seule et sans enfant. Dans un moment d'égarement que je vous laisse le plaisir de découvrir en allant voir le film, elle se retrouve enceinte d'un prévenu. Le personnage de la Juge est jouée par une Sandrine Kiberlain dont le regard humide nous incite à nous y projeter comme dans une vague scélérate. Le personnage du "prévenu-papa pas prévenu" est joué par Albert Dupontel. Je passe sur les autres personnages et ne me trouve pas d'excuse valable pour le faire.
Ensuite, ça devient l'histoire d'une femme qui va accoucher d'elle-même. Elle va lutter contre son état et contre ce qu'elle devient. Elle va commencer par refuser ce qu'elle est, ce qu'elle fait et ce qu'elle est surprise, voire outrée, d'avoir fait.
Nous, le spectateur, nous allons nous délecter de la révolution qui s'opère dans cet esprit, nous allons suivre l'aventure que représentent la prise de risque d'être honnête, le courage que demande cette honnêteté envers soi-même et qui passera aussi par le regard des autres. Cette femme va devoir affronter la bienséance et l'hypocrisie, et elle va gagner la liberté.
Ce film ne condamne pas, il montre.
- Il montre l'aveuglement d'une justice ridicule.
- Il montre la façon dont les informations télévisées relaient des événements sur des écrans surchargés d'informations que nos yeux ont peine à suivre autant que nos oreilles. Quant à notre pouvoir de discernement, il est mis à rude épreuve face à des images qui défilent au dessus de phrases informatives qui elles aussi défilent sans rapport avec les images. La montée en épingle d'un acte barbare (le prévenu-papa est "globophage") attribué à un individu qui a maille à partir avec la justice montre à quel point il est facile d'accuser un être socialement imparfait de tous les maux, surtout les pires. "Qui vole un oeuf, tue un veuf" (phrase tirée du film qui résume la rapidité avec laquelle l'institution prétend juger).
- Il montre, bien que nous le sachions, combien nous sommes pris par les apparences et les codes de la bienséance.
- Il montre aussi combien nous sommes manipulés par nos préjugés: les femmes juges ne se bourrent pas la gueule et surtout: elles ne font pas de pipes.
- Il montre qu'il faut de l'honnêteté à cette femme pour être courageuse et affronter une cour de Justice en relatant les événements comme ils sont arrivés. Elle nous fait rire, mais, en accordant la liberté par la voie de la vérité, elle acquiert les siennes (sa liberté et sa vérité) sans se soucier de nous. Nous lui donnons raison et nous sommes bienveillants puisque, en faisant preuve d'un peu d'honnêteté et de courage nous mêmes, nous nous reconnaissons en elle.
En gros: j'ai adoré l'humour irrévérencieux, la tendresse entre les personnages autant que celle que j'ai ressentie pour eux, la dent dure de Dupontel qui semble ne pas mâcher les situations avant de nous les renvoyer, le tout avec la bonne humeur d'un sage pour qui le rire est un moyen de faire naître des sentiments et des réflexions profondes (les nôtres) sous couvert des pires horreurs visibles et des travers ridicules d'une société dont on ignore si elle nous contraint ou si nous nous plions.
Ce film nous fait réfléchir autant qu'il nous réfléchit.
Albert Dupontel réussit une fois de plus (et ce n'est pas une crasse lassitude) à me faire sourire avec ce qui, dans la vie, aurait tendance à me faire pleurer.