bip bip bip biiiiiip biiiiip biiiiip bip bip bip (*)
3 mois sans venir ici, 3 mois...
Nouveaux (relativement) dans ma vie d'acouphénique: les vertiges.
Un grand vertige dit "rotatoire" (existe-il des vertiges non rotatoires?) fin juillet m'a obligée à me traîner jusqu'au téléphone pour appeler les pompiers d'un poste fixe, le vertige ne me
permettant pas de viser correctement les touches de mon portable trop petites à ce moment là.
Ugences hospitalières.
Tanganil en intraveineuse, ordonnance et "consultez un orl". J'en suis à mon ènième ORL, à mon énième test d'audiométrie dont le premier était "normal", à mon énième test VNG (test
vertigineux), à mon énième difficulté à être "dehors".
Dehors, c'est grand, c'est là que se trouvent les autres, c'est là que se trouvent les amis, le travail, le cinéma, les salles de concert, le métro, les pompiers, les voitures, les restaurants.
Connectée à un site dont je ne ferai pas la publicité mais qui est censé aider et a le mérite d'exister, je me trouve confrontée à des pseudos, comme ici, comme partout, des "pseudos médecins",
des pseudos acouhéniques", des "pseudos solutions", des "pseudos miraculés", des avatars dans le monde virtuel des réseaux asociaux.
Les consultations
Aucun ORL, je dis bien "aucun" ne m'a jamais demandé quelles étaient les conséquences des acouphènes dans ma vie au quotidien, aucun ne m'a jamais demandé quelle était l'intensité desdits
acouphènes, aucun.
a) La rencontre
- Bonjour, qu'est-ce qui vous arrive?
- J'ai des acouphènes
- ça siffle ou ça bourdonne (ça c'est super important!)
- ça siffle.
b) Les réponses diverses de mes divers orl:
ORL 1:
vous avez un bouchon, je vous le retire (plus de bouchon après, mais acouphènes toujours présent, à chaque fois et j'y ai eu droit 3 fois). Ensuite on fera un test
d'audiométrie.
Ordonnance de vastarel, puis tanakan, puis... je ne sais même plus.
ORL 2:
beaucoup de gens souffrent d'acouphènes (et alors?).
On va faire un test d'audiométrie. (Et tu me demandes pas si c'est fort ou pas, à quel
moment, combien de fois, rien??? Tu ne me demandes rien...).
Ordonnance de vastarel (depuis sur la liste des médicaments dont l'interdiction est demandée par feu l'AFSSAPS devenue
ANSM)
ORL 3, 7:
vous savez, concernant les acouphènes, on ne sait pas encore, blablabla... (au moins, il ne ment pas celui là).
On va faire un test d'audiométrie.
ORL 4: ça vous démoralise, hein? (compassion sans action n'est que ruine de l'âme)
Ordonnance de rivotril. (j'ai arrêté très vite quand je me suis rendue compte en effet que la vie était belle quand on n'est plus touché par rien ni par personne puisque rien n'est grave vu
de la lune, merci à mon pharmacien pour sa mise en garde.)
ORL 5:
Vous avez déjà fait des tests d'audiométrie (ah ah!)
ORL 6:
ce peut être dû au stress ou à un problème dans l'oreille interne, mais on va faire une IRM. (Ben, pas de test d'audiométrie alors? Quant au stress, c'est sûr, j'en ai, mais je pense qu'il
est dû aux acouphènes et pas le contraire)
ORL 8:
vous connaissez le symptôme hystérique? (pas vraiment, mais si tu continues à ne pas m'écouter, tu assisteras à une crise, abruti!)
ORL 9:
Ménière? pas Ménière?
Tanganil pour nier le tangage!
ORL 10:
Retrait d'un bouchon, tanganil, cortisone, IRM, VNG, test audiométrie, Betaserc. Ordonnance pour thérapie cognitive et comportementale, ordonnance pour prothèse auditive (bien que ce ne soit
pas possible étant donné que l'audition fluctue d'un moment à l'autre, d'où mon scepticisme quant à la valeur des tests audiométriques) et peut-être la pose d'un drain si les vertiges
persistent. (Le grand jeu contre les vertiges, et mes acouphènes, on n'en parle plus? Ah bon, c'est fini... Mais c'est exactement au même point que le premier jour!)
Ad libidum.
Je fais chauffer ma carte vitale, et ma carte bleue.
ORL 11: le 31 octobre 2012, rendez vous dans LE centre spécialisé, je vous raconterai, si j'ai la pêche, faute d'espoir.
c) Mes réactions
- mais c'est très fort, parfois je n'entends plus rien!
- comment faire dans la rue quand mon oreille se bouche et que ma tête tourne?
- ah bon, je dois m'asseoir et regarder au loin jusqu'à ce que ça passe?
C'est toi qui va expliquer au client, au patron, aux gens dans la rue que je dois m'arrêter, m'asseoir et regarder un point fixe, les yeux dans le vide jusqu'à ce que le vertige s'arrête,
mais j'ignore combien de temps? Vas-y!
- je ne dois pas y prêter attention?
Ah, c'est donc de ma faute, j'y fais trop attention! J'écoute du heavy metal toute la journée, avec le petit manuel de la méthode Coué, comme ça je deviendrai vraiment sourde à force
d'auto-persuasion?
- je dois éviter les endroits bruyants?
Alors je ne prends plus le métro, je ne sors plus dans la rue, j'évite de faire des courses et je ne viens plus vous voir parce que votre PC siffle terriblement et que la clim à l'entrée
souffle comme un boeuf usé. En plus, soit dit en passant, je trouve indécent que vous m'imposiez de la musique dans votre salle d'attente dans la mesure où je souffre d'une hyperacousie et que
comme beaucoup de vos patients, mon oreille est malade. Manque de tact.
Et puis je me calme, je n'en veux pas aux ORL, il sont autant perdus que moi, mais parlent-ils en notre nom dans leurs conférences et auprès des organismes voués à la recherche?
En quoi l'acouphène est un handicap:
a) Ce qu'on ne peut plus faire dans la vie sociale (parce qu'avec un son d'hélicoptère dans la tête, doublé d'une oreille bouchée, ce n'est pas évident, liste non exhaustive):
- prendre le métro est un enfer
- la rue vomit du bruit
- se concentrer
- aller au cinéma
b) Ce qu'on ne peut plus faire dans la sphère privée:
- écouter de la musique
- boire un verre avec des amis dans un bar
- être au calme avec un bon bouquin
- être disponible
c) Ma solution:
LES BOUCHONS D'OREILLE (je sais, c'est pas bien, faut que l'oreille s'habitue au bruit, gnagnagna. Comprends pas comment mon oreille pourrait s'habituer au tintamarre.)
Ils ont leur limite:
- ils atténuent un peu les bruits mais ne les couvre pas, pourtant ils aident à transformer certains bruits agressifs en simples sons agressifs.
- on ne peut pas manger avec des bouchons dans les oreilles, ni marcher, ni parler (essayez)
- leur frottement finit pas faire peler l'intérieur de l'oreille quand on est obligé de les mettre et de les retirer à longueur de journée pour répondre aux humains qui nous entourent.
- ils ne changent rien à l'intensité de l'acouphène mais évitent souvent son amplification suite à un bruit agressif ou récurrent venant de l'extérieur.
d) Les (vraies) solutions:
Il n'y en a pas. C'est une maladie qu'on a qualifiée comme incurable, définitivement, enfin depuis au mois les 14 ans que durent mes acouphènes.
e) Ce que vous pouvez faire (ou ne devez plus faire) sans que ça ne vous troue le cul
- ne pas chuchoter quand vous nous parlez
- ne pas hurler quand on retire nos bouchons d'oreilles (t'es aveugle ou quoi? t'as pas vu que je venais de retirer mes bouchons? tu hurles avant, pas après, connard!)
- faire attention à vos moqueries, on n'entend pas tout, mais on entend encore!
- ne pas vous énerver parce qu'on n'a pas tout compris (parce que nous sommes aussi énervés, mais en plus nous, on souffre un peu, quand même!)
- ne pas nous tendre votre super nouveau casque MPtruc avec le son à fond la caisse
- nous regarder quand vous nous parlez (le regard et le corps ont aussi leur langage)
- faire preuve de compréhension, notre air parfois renfrogné vient du fait qu'il est difficile d'avoir le sourire avec des grincements, chuitements, sifflements dans les oreilles
Je maintiens que les acouphènes ne sont pas psychologiques, alors me demander tout simplement de ne pas y
faire attention, c'est un peu comme demander à un bossu de ne plus faire attention à sa bosse, et tout ira mieux! Aurait-on le culot de demander à un aveugle de faire comme s'il ne l'était plus,
à une personne souffrant d'une angine de lui dire que si elle veut, elle peut ne plus avoir mal, que c'est une question de volonté, de mise en condition psychique?
Je ne suis pas responsable de cette maladie et n'ai pas de pouvoir pour lutter contre. Les acouphéniques sont laissés à l'abandon, sans aide réelle si ce ne sont des thérapies qui leur
apprendront à vivre avec, ou du moins lui feront croire que c'est possible (et je vous dis pas le prix!). J'aimerais bien savoir combien parmi vous, non acouphéniques, pourraient imaginer vivre
normalement avec un sifflet dans l'oreille, rien à voir avec le petit sifflement qui peut apparaître parfois dans l'oreille de chacun; il s'agit d'un bruit, pas d'un son. J'aimerais bien savoir
comment on peut faire abstraction du fait que sur sur la durée s'empire l'acouphène: on s'use avec le temps, personne ne peut le nier. Et pourtant, personne ne semble le comprendre.
Je cherche le calme, pas le silence.
(*) S O S en morse