l'Hiver (série "les petites ombres de l'histoire")
acrylique sur toile (33cm x 46cm)
Pour tous ceux qui auraient voulu mais qui n’ont pas pu, tous ceux qui n’ont jamais su, jamais appris, jamais voulu, tous ceux qui auraient pu mais qui n’ont pas fait, tous ceux qui ont rêvé dans
la bulle de leur douce lâcheté, tous ceux qui avaient les moyens et ne les ont pas utilisés.
Pour tous ceux qui n’habitent nulle part, tous ceux dont les pièces sont vides, tous ceux que les souvenirs ont rattrapés, détruits, tous ceux qui restent les bras croisés, les bras ballants, les
bras coupés, tous ceux dont les rêves ont été anéantis, ceux qui n’en ont jamais eus, ceux qui s’en sont débarrassés, ceux qui les ont réalisés.
Pour tous ceux qui entendent mais n’écoutent pas, ceux qui parlent, ceux qui écrivent, ceux qui peignent, tous ceux qui ne changent rien car il n’y a rien à faire, tous les soumis, les révoltés,
les chasseurs de moulins à vents, les enculeurs de mouche.
Pour tous les laisser-pour-compte conscients ou inconscients de leur misère humaine, de leur pauvreté de sentiments ou de leur grandeur d’âme, tous ceux qui pavent l’enfer de leurs bonnes
intentions, tous ceux dont les bons sentiments restent à l’état de ressentiments.
Pour tous ceux qui n’ont pas de travail, pas de femme, pas de mari, pas d’enfants, pas de voiture, pas de vacances, pas d’i-phone, tous ceux qui ne savent pas même ce que c’est. Tous ceux qui
coordonnent leur montre et leurs chaussures, tous ceux qui mettent des crèmes anti-rides, ceux qui vont dans les salles de sport, ceux qui ne sortent plus, ceux qui sont toujours dehors.
Pour tous ceux qui ont soif, qui ont faim, qui ont froid, qui ont trop mangé, qui ne mangent plus, qui se font vomir.
Pour tous ceux qui ont des projets, ceux qui pensent à long terme, ceux qui ne pensent pas à demain, ceux qui ne pensent plus, ceux qui préfèrent ne pas y penser, tous ceux qui profitent de la
vie, tous ceux qui spéculent, tous ceux qui parient.
Pour tous ceux qui se lèvent tôt le matin, ceux qui se couchent tard, ceux qui ne se lèvent plus.
Pour tous ceux qui sont malades, pour les enfants prématurés, pour les centenaires, pour les gateux, pour les vieilles peaux, les jeunes cons.
Pour tous ceux qui s’habillent en femme, ceux qui se la font couper, ceux qui n’ont pas de sexe, pas de droit, pas de prénom.
Pour tous ceux qui n’ont pas connu leurs parents, ceux qui les ont abandonnés, tous ceux qui n’ont pas de dieu, pas d’égérie, pas de muse, ceux qui prient quand même, ceux qui ne croient en rien
, ceux qui ne sont pas baptisés, ceux qui n’iront pas au paradis à cause de cela, ceux qui n’iront pas malgré tout, ceux qui sont déjà en enfer, tous les téléspectateurs.
Pour tous les imbéciles heureux, les intellos malheureux, tous les riches et les beaux mal dans leur peau.
Pour tous les gauchistes fachos, les pédés homophobes, les gouines qui n’aiment pas les hommes, les femmes qui n’aiment pas les gouines, les hommes qui n’aiment pas les pédés, les hommes qui
disent aimer la femme, les blancs qui n’aiment pas les noirs, les noirs qui n’aiment pas les blancs, les croyants qui n’aiment pas les infidèles, pour tous les cons qui n’aiment pas les cons,
pour tous les cons qui n’aiment que les gens intelligents.
Pour eux, pour toi, et surtout pour moi, par ce que ça me fait du bien, parce que je crache dans la soupe insipide que j’avale depuis des années, parce que j’ai honte mais si peu, parce que je
voudrais que les choses changent sans me faire trop mal, par ce que je ne milite pas, parce que je fais ce que je peux, parce que, malgré mes grands airs, mes belles idées, mon sens de la justice
et de la morale, je fais comme eux, je fais comme toi, je fais comme tout le monde : « moins moche ma vie », une main dans la culotte et l’autre sur la zappette.