Elle passe-passe par le trou de la serrure, la petite souris de minuit. C'est encore tôt minuit, ce n'est pas au milieu de la nuit, mais au milieu du silence, à mille lieues aussi, de ma vie, qu'elle danse, la petite souris.
Les dents que je perds maintenant, sont cassées par des cauchemars à force, avec force et volonté, de serrer les machoires.
Au matin des courbatures dans les joues pourraient faire croire à mon miroir que je lui souris, souris souris. J'ai la grise mine des matins chagrins, flétris par un sommeil bricoleur, rarement réparateur.
Souvent, quand je m'endors, je rêve que je meurs, et je me réveille à cours d'air, assise sur le lit, je travaille à une inspiration qui tarde tant que je me sens défaillir.
Il me faut compter.
Il me faut compter.
Il me faut impérativement compter, compter les inspirations ratées. Il me faut me concentrer pour aspirer à respirer, pour que l'esprit lâche prise et laisse au corps, enfin, les doigts lamentablement crispés aux draps, la liberté d'avaler tout à coup, une bouffée d'air, ni parce que c'est frais, ni parce que c'est bon, juste parce que c'est nécessaire et que j'y parviens enfin.
Je me pose parfois la question de cette nécessité mais jamais dans ces moments là. Dans ces moments là, j'ai peur, une peur panique de ne pas réussir à respirer.
Mes endormissements sont d'une rare violence. Je ne plonge pas dans le sommeil, j'y tombe, j'y succombe et je survis à chaque fois, à l'étouffement, du moins jusqu'à présent.
Le trou dans lequel je sombre quand je m'endors doit être d'une profondeur immense tant il m'aspire, me tire par les pieds, m'enlaçant par le cou. Un trou de souris qui s'engouffrerait dans le parquet , rejoindrait la cave, glisserait jusqu'aux égouts, visiterait les dessous de Paris, aboutirait dans les catacombes et après, qui sait après jusqu'où s'enfonce ce trou? La dégringolade est rapide mais je n'arrive jamais au bout. La chute est si forte que je suis épuisée pour la bataille qui s'ensuit: reprendre haleine, comme on dit.
M'endormir représente-t-il un tel effort que c'en devienne un supplice?
Aurais-je trop de cadavres allongés dans mes souvenirs que je ne puisse plus me reposer?
Et dans la journée, je ris, je souris de mes dents éclatées. Heureusement, j'aime la purée!